S’achemine-t-on vers une recomposition du paysage politique ivoirien avec l’annonce du lancement du parti unifié RHDP sans Konan Bédié, et au regard des yeux doux à l’opposition, de certains cadres proches de Soro Guillaume et de Bédié lui-même ? Les experts déchiffrent.
Le RHDP, parti unifié, se présente à l’opinion ce lundi 16 juillet 2018. Majoritairement animée par des cadres RDR, l’alliance unifiée qui se dessine comporte des cadres frondeurs du PDCI. L’UDPCI et des petits partis enclins à une crise interne comme le PIT et le MFA sont également de la mouvance. Le RHDP, parti unifié, affiche sa volonté de candidater à la présidentielle de 2020.
Qui en face pour concurrencer la machine menée par Alassane Ouattara ? Le PDCI d’Henri Konan Bedié tient à une alternance interne à son profit. Mais cette idée semble s’éloigner au regard du dernier développement de l’actualité. Le RDR demande à Alassane Ouattara d’accepter d’être le président du parti unifié.
Dans le camp Soro, même si le concerné ne le dit pas, on est convaincu d’un destin présidentiel du « leader générationnel ». Le FPI conduit par Affi N’Guessan est dans la même lancée. Idem pour le FPI de Sangaré caché derrière la plateforme politique EDS. Abonné au boycott, EDS a affirmé être présent à la présidentielle de 2020.
Pour bon nombre d’observateurs, l’hypothèse d’une alliance entre les entités opposées ou supposées opposées au RHDP qui sera lancé ce lundi, n’est pas à exclure. Des alliances nouvelles ne manqueront pas de naître. Et celle entre le PDCI, l’opposition et des proches de l’Assemblée nationale Guillaume Soro est possible. La configuration politique actuelle semble s’y prêter.
Henri Konan Bédié a reçu le Cojep de Blé Goudé. Bien avant, c’est à Affi N’Guessan qu’il a accordé une entrevue à Daoukro.
Et depuis peu, Akossi Benjo, l’actuel maire du Plateau, devient l’un des rares cadres du PDCI, proche de Konan Bédié à demander publiquement la libération des prisonniers liés à la crise post électorale de 2010 et même la libération de Laurent Gbagbo. Une revendication chère au FPI et à ses alliés.
De leur côté, des proches du président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro – lui-même y compris – multiplient des actions, prémices d’un rapprochement avec l’opposition politique. Ce sont entre autre, une visite annoncée au président Laurent Gbagbo à la CPI souhaitée par le chef du parlement ivoirien.
Soro Guillaume lui-même parle de « prisonniers politiques » là où Alassane Ouattara réfute cette appellation.
Au cours de sa conférence de presse du 8 juillet 2018, Soro Kanigui, président du Réseau des Amis de la Côte d’Ivoire (RACI) (mouvement politique proche de Soro Guillaume), condamnant l’assassinat de son militant Soro Kognon à Korhogo, s’est montré quelque peu nostalgique de l’ère des frontistes, y compris quand lui était dans ses apparats de rebelle.
FPI d’Affi : « le rapprochement est réciproque »
Du côté de l’opposition politique l’on fait remarquer que le rapprochement est réciproque. «C’est le jeu républicain », commente Kouadio Jean-Bonin, secrétaire général adjoint du Front populaire ivoirien (FPI), qui précise qu’aucune alliance avec son parti ne sera tissé que pour le pouvoir. « Chacun essaie de travailler à se rapprocher du parti avec qui il partage les mêmes aspirations. La volonté reste à l’un et à l’autre dans ce cadre, de former une alliance. C’est dans cet esprit que le PDCI a été approché par le président du Front populaire ivoirien en vue de mettre en place une nouvelle alliance pour sauver la Côte d’Ivoire, étant entendu que l’alliance RHDP n’y est pas arrivée. Nous sommes donc courtisés par un certain nombre de partis politiques et des mouvements de la société civile », précise Jean-Bonin.
Puis d’ajouter que son parti mène également des démarches. « Nous également courtisons d’autres partis politiques et des mouvements de la société civile. Mais en tout état de cause, pour le moment nous n’envisageons des alliances ou des coalitions qu’avec des entités juridiques qui partagent avec nous cette aspiration qui est la sauvegarde de la nation ivoirienne. Nous n’irons pas faire des alliances justes pour arriver au pouvoir. Mais une alliance se fera si et seulement si cette alliance va dans l’intérêt des ivoiriens », fait savoir le collaborateur de Pascal Affi N’Guessan, joint par Poleafrique.info.
Les analystes, pour leur part, décryptent la faisabilité d’une telle alliance.
« Nous allons vers la configuration de 2000 où, nous avions tous les partis unis dans l’opposition politique contre le pouvoir d’alors que tenait le PDCI. Mais la seule chose qui est incertaine, c’est la position de Soro Guillaume qui vient de voir un autre de ses proches, nommé ministre. Il sera un maillon important dans l’affaire, sinon toutes les autres alliances sont possibles », analyse Dr Blé Kessé, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo, joint par Poleafrique.info.

Nesmon De Laure et Richard Yasseu
Source : rédaction Poleafrique.info